Le transport du nitrate

Chile

Histoire

L'un des derniers transports pour lequel les voiliers pouvaient être compétitifs était le nitrate sud-américain.

Les navires allaient de l'Europe au Chili, c'est-à-dire d'Est en Ouest autour du Cap Horn. A cause des vest d'Ouest violents à ces latitudes, le passage était souvent très délicat, très différent du trajet d'Ouest en Est qui n'était lui-même pas facile.

Après avoir contourné le Cap Horn, et déchargé leurs marchandises à Valparaíso ils venaient charger le salpêtre à Iquique ou Antofagasta, et rentraient en Europe dans le sens "facile" autour du Cap Horn.


Le Cap Horn, les Falklands et l'Antarctique


Dans les années 1890, de nombreux navires prirent cette route : ils pouvaient être une centaine à Iquique...


Le désert d'Atacama


La société de transport maritime allemande Ferdinand Laeisz utilisa des voiliers sur cette route jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

La légende de l'Or Blanc


Le désert d'Atacama
Dans le désert le plus aride du monde, le désert d'Atacama où il ne pleut jamais, au nord du Chili, des hommes, des mules et des machines ont participé à l'une des plus grandes aventures de l'industrie moderne : l'exploitation du nitrate de sodium naturel.


Le désert d'Atacama
Dès le XV ème siècle les Incas connaissaient déjà les propriétés du salpètre comme fertilisant.

Durant des siècles, les méthodes d'extraction étaient restées primitives et la production stagnait. Cependant, dans les dernières décennies du XIXème siècle, le nitrate sud-américain acquis une grande importance.


Le désert d'Atacama
Des facteurs comme la diminution du salpètre de l'Inde, la demande mondiale croissante et l'énorme richesse des zones d'Atacama et Iquique firent du salpètre le principal enjeu de la guerre chilienne - peruvienne - bolivienne de 1879. Une guerre, pour beaucoup, entrainée par des intérêts internationaux plus que par des divergences entre les parties... A la suite de sa victoire, le Chili controla toute cette région.


Iquique au début du siècle
Après la paix, l'exploitation du nitrate s'accéléra grâce à des capitaux anglais et américains. Ce fut l'aube de l'or blanc...

Paradoxalement, le nitrate naturel est un engrais et en même temps un composant de base des explosifs... Avec la Première Guerre Mondiale, l'exportation de salpètre vit sa meilleure période. La demande de nitrate chilien augmenta de façon exponentielle. L'or blanc transforma le grand nord en une nouvelle Californie...

Au bord du salpètre fleurirent des concessions aux noms de rêve : "Aventure", "Persévérance", "Chance" ... ou aux noms de femme : "Marie Eugénie", "Marie Hélène", "Soledad", "Carmen".


Usine de nitrate en 1922


Jusqu'en 1915 travaillèrent fébrilement plus de deux cent cinquante concessions, avec une population proche de trois cent mille personnes et une production de quatre millions de tonnes par an...


Bacs de cristallisation de nitrate en 1922


Les concessions étaient de véritables villes en miniature, faites de soleil et de vent, endurcies par le froid de la nuit, recouvertes de sel.


Chargement du nitrate en 1929


Les habitants de la pampa se métissèrent rapidement, le chilien bronzé avec le pâle gringo; le chinois silencieux avec l'aymara impassible; l'habitant de Santiago avec celui d'Atacama.

Les puissants chemins de fer anglais transitaient sans cesse depuis les concessions bâties à la sueur d'un dur labeur des exclus de la vie privilégiée...

Une époque où l'on s'habillait de lin anglais, buvait du champagne français et fumait en écoutant les valses de la "Veuve Joyeuse". Le salpètre, plus qu'une industrie, fut un mode de vie magique... L'abondance de l'argent attirait des femmes étrangères et les ports du nord Taltal, Pisagua, Tocopilla et Antofagasta devinrent les hauts lieux des capitaines vainqueurs du Cap Horn...


Mais le procédé Haber-Bosch de synthèse de l'ammoniaque, créé par les allemands durant la guerre de 1914, devint un concurrent sérieux du nitrate chilien.

Sans embargo, le coup de grace de l'or blanc vint de la récession mondiale de 1930, qui mit fin en quelques mois à une aventure de presque cinquante ans...

Les concessions fermèrent une à une, ses habitants, incrédules abandonnèrent tout, croyant à une situation passagère... persuadés d'un prompt retour...

Le silence du sel revint sur la Slavonie, Celia, Chacabuco, North Lagunas, Delaware...

L'argent s'en fut vers d'autres horizons étrangers...

Le dernier clipper à trois mâts chargea son nitrate et
partit sans retour.

Un retour au désert... Adieu Vergara, Araucana...


Le désert d'Atacama



Nitrate de Sodium
Musée des Cap-Horniers, St Malo


Les chemins de fer anglais circulent de nos jours entre rien et le silence...

Les cimetières aux noms effacés par le vent sont l'ultime repos d'une seule nationalité... les habitants de la pampa.

Iquique est maintenant un port et une station balnéaire... ordinaires.

Références

(1) Taltal

(2) Monkbarns

Ferdinand Laeisz

Les voyages du Pamir

Le Pamir